lundi 30 janvier 2017

Décès de l'avocat Thierry Lévy, grand pourfendeur du délit d'outrage

Photo Maurice Rougemont, Opale
Le Monde nous apprend le décès du grand avocat pénaliste Thierry Lévy, disparu à l'âge de 72 ans des suites d'un cancer. Ancien président de l'Observatoire international des prison (OIP), il fut commis d'office en 1972 pour défendre Claude Buffet, accusé avec Roger Bontems (défendu par Robert Badinter) d'avoir tué deux otages à la prison de Clairvaux. Il milita pour l'abolition de la peine de mort et l'amélioration des conditions de vie des prisonniers. Libération le présente comme l'homme qui voulait fermer les prisons, et éviter aux justiciables, quels qu'ils soient, d'éviter l'enfer carcéral.

Il fut aussi l'avocat de Roger Knobelspiess, dont il obtint l'acquittement en 1986 devant la cour d'Assises de l'Essonne. Celui-ci lui rend hommage sur sa page Facebook : "Thierry Lévy est mort, le fil de son envol… Sa voix, une grande clameur résonnait dans les prétoires d'assises.... Il démêlait tous les mécanismes tordus du système judiciaire et il a fait des milliers de kilomètres pour venir me voir au parloir. Dans tous mes procès d'assises, il était à mes côtés, redoutable ! Compagnon humain, que ton voyage soit beau… La justice perd une de ses plus grandes vagues de liberté."
Maria Vuillet (photo Audrey Cerdan)
En 2008, Thierry Lévy défendit brillamment Maria Vuillet dans les (trois) procès l'opposant au sous-préfet Lacave, qui la poursuivait pour outrage, aux sombres heures du sarkozysme procédurier, prétextant l'avoir entendue crier "Sarko, facho!" lors d'une manifestation de protestation contre la lecture de la lettre de Guy Môquet par les collégiens (rendue obligatoire par Henri Guaino).
Avec Dominique Noguères, Antoine Comte, Henri Leclerc et William Bourdon, Thierry Lévy fut l'un des premiers avocats à signer la pétition initiée par le CODEDO pour demander la dépénalisation du délit d'outrage, qu'il considération comme une infraction obsolète, estimant qu'il y a dans la loi tout ce qu'il faut pour "réparer l'outrage".
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On lira, toujours dans Le Mondele très beau portrait qu'en fit Pascale Robert-Diard, à l'occasion de la sortie de son livre Lévy oblige (Grasset, 2008), dans lequel il refuse d'être figé dans une identité juive. Car Thierry Lévy était aussi l'auteur d'une douzaine de livres, tous très forts et sans concessions, où il disait sa colère, sur la prison, et certains aspects de la justice.

dimanche 29 janvier 2017

Saint-Germain-en-Laye : un livreur mal garé, molesté par six policiers municipaux, poursuivi pour outrage et rébellion

Mardi 24 janvier, à 15 heures, Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).
Dorian, 20 ans, livreur UPS, s'arrête pour faire une livraison dans une rue du centre-ville lorsqu'il est interpellé par deux agents de surveillance de la voie publique lui reprochant de stationner en plein milieu de la rue. Faisant remarquer que les places de livraison proches sont toutes occupées, celui-ci se fait alors gifler par un agent, puis agresser par six agents de la police municipale.
La vidéo de l'interpellation, commentée par le Parisien, a "enflammé les réseaux sociaux" (deux millions et demi de vues sur la page Facebook de l'internaute l'ayant postée, 37.000 partages).

Emmanuel Lamy, maire (LR) de Saint-Germain-en-Laye, salue "le sang-froid et l'extrême maîtrise" des agents municipaux, rappelant que le livreur a bloqué la circulation pendant plus de vingt minutes, mais se gardant bien de signaler que si la circulation a été aussi longtemps bloquée, c'est en partie du fait de l'intervention, extrêmement agressive, des policiers municipaux, rejoints ensuite par six policiers.
Après 48 heures de garde à vue, le jeune homme, dont il n'est pas inutile de rappeler que la couleur de sa peau est noire, a été présenté au parquet de Versailles, qui l'a placé sous contrôle judiciaire.
Il sera jugé le 17 mars pour outrage et rébellion. Il a déclaré son intention de porter plainte.

Pétition pour que le couple Fillon rende les 500.000 euros volés à la République

Lancée à l'initiative de Christophe Grébert, élu centriste de Puteaux (Hauts-de-Seine), la pétition réclamant le remboursement des 500.000 € volés à la République par Pénélope et François Fillon, de 1998 à 2006, approche des 175.000 signatures. On peut – on doit – la signer ICI.
Au chapitre des insanités proférées par les défenseurs des indéfendables époux Fillon, on retiendra cette saillie du président du Sénat (signalée par les Inrocks), le trop bien nourri Gérard Larcher : "C'est l'un des rares cas où les femmes sont mieux payées, c'est un motif de fierté !"

jeudi 19 janvier 2017

La "Lettre au garde des Sceaux pour une dépénalisation du délit d'outrage" de nouveau disponible

Depuis sa publication en juin 2008, la Lettre au garde des Sceaux pour une dépénalisation du délit d'outrage a été envoyée à quatre Gardes des Sceaux (Rachida Dati, Michèle Alliot-Marie, Michel Mercier et Christiane Taubira) qui n'ont pas pris la peine de nous répondre, ni même d'accuser réception d'un ouvrage pourtant très documenté (et déjà dépassé puisque le délit d'offense au président de la République, dont nous réclamions également la disparition, a été abrogé en juillet 2013). Philippe Houillon (qui espéra ce poste après l'élection de Sarkozy) et André Vallini (qui fut pressenti à ce poste après l'élection de Hollande) le reçurent également. (Ce dernier le lut et le trouva "intéressant".)
Jean-Jacques Urvoas, l'actuel ministre de la Justice, le recevra d'ici peu.
Publié chez un éditeur qui a fait faillite (et se trouve être le webmestre du présent site), la Lettre au garde des Sceaux pour une dépénalisation du délit d'outrage était indisponible. On peut de nouveau se la procurer sur le site de la librairie après la lune, de même que le Portrait physique et mental du policier ordinaire, de Maurice Rajsfus, auteur de nombreux livres sur la police française, dont le dernier livre, au titre évocateur de Je n'aime pas la police de mon pays (éditions Libertalia), raconte l'aventure du bulletin Que fait la police ? (1994-2012), dans lequel le fondateur de l'Observatoire des libertés publiques consigna scrupuleusement l'insupportable liste des crimes policiers, que l'on appelle, à tort, les bavures policières.

mercredi 18 janvier 2017

Mort de Rémi Fraisse. Après le non-lieu, la famille porte plainte contre trois gendarmes pour "faux témoignages" et "subornation de témoin"


Après des mois d'enquêtes, les juges d'instruction en charge de l'enquête sur la mort de Rémi Fraisse, tué à Sivens par une grenade lancée par un gendarme, ont clos le dossier sans qu'aucun responsable ne soit mis en examen. Lire dans Le Monde.
Comme le rappelle le site Reporterre, les avocats de la famille de Rémi Fraisse viennent de porter plainte contre les enquêteurs eux-mêmes et les responsables civils et militaires du drame. Leur plainte a été déposée auprès du tribunal de grande instance, de façon à "délocaliser l'affaire de Toulouse à la capitale". Les gendarmes sont mis en cause pour "subornation de témoins" et "faux témoignages".

Les rappeurs se mobilisent pour la famille d'Adama Traoré

Devant le silence assourdissant de la classe politique française, et celui tout aussi assourdissant des intellectuels, de nombreux soutiens se sont mis en place pour demander "justice pour Adama Traoré" et sa famille. France Inter évoque une "mobilisation inédite".
Les 20-21-22 janvier, à Lyon, Grenoble et Saint-Etienne, week-end de mobilisation "Justice pour Adama". Le 2 février, huit rappeurs prennent le relais et organisent un concert de soutien à la Cigale. Le programme est ici.
L'affaire Adama Traoré sur le site du CODEDO.

La France insoumise, mais pas trop… Quand un militant poursuivi pour avoir crié "Casse-toi pov'con !" à Emmanuel Macron accepte une amende de 250 € avec sursis dans le cadre du "plaider coupable"

Hervé Eon, un insoumis, un vrai
L'histoire retiendra que l'abrogation du délit d'offense au chef de l'État fut entamée en août 2008 à Laval, lorsqu'un procureur de la République zélé, le très vétilleux Alex Perrin, poursuivit Hervé Eon pour avoir brandi une pancarte reprenant le "Casse-toi pov'con!" de Sarkozy lors du voyage de ce dernier à Laval.
Condamné à 30 € d'amende avec sursis en première instance puis en appel, Hervé Eon, refusa la sentence ridicule infligée par des magistrats morts de trouille à l'idée de déplaire au pouvoir. On connaît la suite… 
La Cour européenne des droits de l'Homme, saisie par son avocate Dominique Noguères, lui donnera raison. Et tort à la France. Et voilà comment le 23 juillet 2013, les députés français furent contraints d'abroger le délit d'offense au chef de l'État.

Huit ans plus tard, le 25 juillet 2016, un autre procureur en poste à Laval poursuivit pour outrage un autre Lavallois, Clément B., pour avoir crié "Casse-toi pov'con!" à Emmanuel Macron lors de la visite du ministre de l'Économie à Laval, alors que ce dernier (tout comme Sarkozy en 2008) n'avait rien demandé.
Le toujours riant ministre Macron à Laval en juillet 2016
Postulant que les mêmes causes sont susceptibles d'entraîner les mêmes effets, nous nous étions pris à espérer que ce procès pourrait relancer le débat autour du délit d'outrage, qui explosa en 2016 avec la violente répression policière des manifestations contre la loi El Khomri. D'autant qu'entretemps le ministre Macron avait déclaré, et avec grand fracas, son intention de briguer la présidence de la République. Il était donc raisonnablement permis d'espérer que, grâce à ce procès, le délit d'outrage se trouvât placé au cœur de la campagne présidentielle. Nous attendîmes donc le 6 décembre 2016, date du procès de Clément B.
Làs ! Tout le monde n'a pas le panache d'un chevalier Eon ! Au lieu d'assumer son geste (en l'occurrence sa parole) comme l'avait fait en son temps Hervé Eon, le jeune homme de 21 ans préféra céder au chantage de la justice en acceptant de plaider coupable dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), à savoir une amende de 250 € avec sursis. Ce qui est bien entendu son droit le plus strict, même si ce n'est guère glorieux…
L'ex-ministre Macron candidat à la présidence
Ce qui est encore moins glorieux, et ne fut pas révélé dans les médias (qui ne s'intéressèrent guère, il est vrai, à cette affaire finissant en eau de boudin), c'est que le jeune homme (dont la page Facebook arbore l'étendard de la "France insoumise"), contacté par le CODEDO, fit cet aveu étonnant :"J'ai accepté de plaider coupable car une médiatisation aurait pu me porter préjudice dans ma recherche de travail." 
(mais pas trop…)
Avec des militants aussi courageux et déterminés, gageons que le délit d'outrage, dont on rappellera ici les 10 raisons pour lesquelles il serait impératif de le chasser du Code pénal, a encore de beaux jours devant lui !

mardi 3 janvier 2017

Les vœux de fraternité d'Assa Traoré pour l'année 2017

Assa Traoré, 31 ans, éducatrice spécialisée en prévention, est la sœur d'Adama Traoré, mort asphyxié le 19 juillet 2016, le jour de ses 24 ans, dans les locaux de la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise "dans des circonstances qui ne sont toujours pas éclaircies" (selon la formule consacrée)*. C'est également la sœur de Bagui et Youssouf Traorépoursuivis et mis en détention préventive pour outrage. Invitée par MediaPart à présenter ses vœux pour l'année 2017, elle appelle à "une justice juste pour tous et des droits égaux pour tous".
* Une formule moins consacrée, plus crue, consisterait à avancer qu'Adam Traoré a vraisemblablement été assassiné par des gendarmes racistes et dotés d'un QI de petit pois, mais ce serait de la diffamation envers les "forces de l'ordre", donc nous nous en dispenserons.